La COP28 a échoué à tenir le timing, malgré les promesses de Sultan al-Jaber, le président du sommet. Les négociations s’avèrent bien plus difficiles que prévues autour de la sortie des énergies fossiles. La formulation présente dans les précédentes versions de l’accord a disparu dans la dernière, provoquant la colère de nombreux pays, développés et en développement. Un nouveau texte est attendu dans la journée avant un possible accord dans la nuit ou demain matin.
La douche froide. Lundi 11 décembre, quand le nouveau projet de texte a enfin été publié en fin de journée – avec une dizaine d’heures de retard – les espoirs suscités ces derniers jours autour d’une sortie progressive des énergies fossiles se sont envolés. Alors que les précédentes versions mentionnaient explicitement « un phasing out » parmi les différentes options, cette formulation a tout simplement disparu.
À la place, il est proposé de « réduire à la fois la consommation et la production de combustibles fossiles, de manière juste et ordonnée d’ici, avant ou vers 2050 » et d' »accélérer les efforts à l’échelle mondiale vers des systèmes énergétiques à zéro émission nette, avant ou vers le milieu du siècle« . « Ce n’est pas seulement un échec, c’est un recul », déplore Gaïa Febvre du Réseau Action Climat. « On a perdu la clarté du signal en cours de route », a également réagi Lola Vallejo de l’Iddri.
« Liste de courses »
La phrase introductive de ce paquet énergétique, au cœur des négociations, est également problématique puisqu’elle se contente de proposer des options. Le texte indique ainsi « appel[er]les Parties à prendre des mesures qui pourraient inclure« …S’ensuivent différentes propositions parmi lesquelles donc la réduction des énergies fossiles, le triplement des énergies renouvelables ou encore des technologies controversées comme le captage et le stockage du carbone ou la production d’hydrogène « à faible teneur en carbone ». De nombreux observateurs ironisent ainsi sur un texte qui ressemble plus à une « liste de courses » qu’à un accord ambitieux.
Sultan al-Jaber, le président de la COP28, a appelé lundi « à combler les nombreuses lacunes » du texte avant d’entamer une tournée des différentes délégations jusque tard dans la nuit. Ce mardi, alors que l’heure fixée pour la fin de la COP (8h, heure de Paris) est passée sans accord, les tractations se poursuivent. Un nouveau texte est annoncé pour la fin de la journée à Dubaï (15h heure de Paris), puis une session plénière sera organisée… peut-être la dernière. Un accord semble toutefois peu probable avant la fin de la journée, qui marque le 8e anniversaire de l’Accord de Paris, une date symbolique.
« Signer notre arrêt de mort »
Lors d’une conférence de presse mardi matin, le directeur général de la COP28, Majid Al Suwaidi, a assuré que la présidence faisait son possible pour contenter tout le monde mais que c’était désormais aux parties de trouver un accord. « Certains veulent une sortie, d’autres une réduction, d’autres veulent encore différentes formules. Le but est d’obtenir un consensus », a-t-il conclu. Les pays arabes rassemblés autour de l’Arabie saoudite font bloc pour empêcher toute sortie des énergies fossiles. Face à eux, plus d’une centaine de pays soutiennent au contraire cette voie.
Pour l’UE, les États-Unis, les petites îles et les pays d’Amérique latine, le texte n’est pas acceptable en l’état. « La République des Îles Marshall n’est pas venue ici pour signer notre arrêt de mort. Nous n’irons pas silencieusement vers nos tombes aquatiques », a lancé John Silk, chef de la délégation de la République des Îles Marshall. « Il y a eu un moment avec beaucoup d’émotion lundi avec des dirigeants de pays développés et en développement qui ont partagé leur volonté d’avoir le texte le plus ambitieux possible, qui comprennent l’importance du moment. Pour la première fois on aborde l’éléphant dans la pièce », a également réagi Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition énergétique depuis Dubaï.
« C’est le début de la fin de l’ère des combustibles fossiles » tempère Mohamed Adow, directeur de Power Shift Afrique. « Le nœud de l’impasse reste la manière de gérer la différenciation dans la transition énergétique afin de ne pas traiter tous les pays de la même manière. L’équité est la clé de cette transition énergétique », a-t-il expliqué. Il est vrai que les riches pollueurs historiques comme les États-Unis, le Royaume-Uni et la Norvège passent en premier, puis les pays à revenu intermédiaire comme ceux du Golfe et les pays en développement plus pauvres ensuite. Il n’est pas juste que le Congo et le Canada doivent éliminer progressivement les combustibles fossiles au même rythme« , a-t-il rappelé. Un langage plus précis sur une sortie différenciée permettra peut-être de sortir de l’impasse.
Source : www.novethic.fr